MÉMOIRE DE L’ASSOCIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

Résumé

L’Association des chemins de fer du Canada (ACFC) est heureuse de l’occasion qui lui est offerte de fournir trois recommandations principales et deux recommandations secondaires, lesquelles reflètent les points de vue de ses membres concernant les mesures fédérales à prendre pour améliorer la compétitivité du réseau ferroviaire canadien et l’économie dans son ensemble. Notre mémoire porte essentiellement sur les trois recommandations principales exposées dans le résumé.

RECOMMANDATIONS PRINCIPALES

Recours au système fiscal pour promouvoir l’utilisation des nouvelles technologies

Recommandation : Le gouvernement fédéral devrait recourir au système fiscal pour promouvoir l’utilisation des nouvelles technologies en apportant notamment des changements au crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental, comme de permettre le refinancement, et en accordant des crédits d’impôt pour le déploiement de nouvelles technologies.

Majoration du taux de déduction pour amortissement dans le cas du matériel roulant ferroviaire

Recommandation : Il faudrait relever à au moins 30 % le taux de déduction pour amortissement s’appliquant à l’ensemble du matériel roulant ferroviaire. Ce taux devrait être accordé aux entreprises ferroviaires, aux entreprises de location ferroviaire et aux propriétaires de wagons privés.

Zones franches

Recommandation : Le gouvernement fédéral devrait établir une nouvelle politique, étayée par de nouveaux programmes, afin d’assurer des zones franches concurrentielles au Canada.

RECOMMANDATIONS SECONDAIRES

Élimination de la taxe d’accise sur le carburant pour locomotives

Recommandation : Il faudrait éliminer la taxe d’accise fédérale s’appliquant au carburant diesel de locomotive pour diminuer les coûts de transport des expéditeurs canadiens, aider à atteindre les objectifs environnementaux du Canada et harmoniser ses normes avec celles des États-Unis, où on a aboli le 1er janvier 2007 la taxe d’accise fédérale sur le carburant pour locomotives.

Renforcement et facilitation du financement dans le cas des voies et corridors commerciaux indiqués

Recommandation : Pour que le réseau ferroviaire canadien demeure apte à faciliter le commerce international en Amérique du Nord, le gouvernement fédéral devrait renforcer et accélérer le financement des travaux d’infrastructures ferroviaires et intermodales dans l’ensemble des voies et corridors commerciaux identifiés.

Introduction

L’Association des chemins de fer du Canada (ACFC) est heureuse de pouvoir présenter les points de vue de ses membres concernant les mesures fédérales à prendre pour améliorer la compétitivité du réseau ferroviaire canadien et l’économie dans son ensemble. Les chemins de fer sont un pan important de l’économie canadienne, puisqu’ils acheminent en termes de volume environ 70 % des marchandises totales transportées par voie terrestre vers les marchés nationaux, nord-américains et internationaux, emploient plus de 35 000 personnes et versent au-delà de 1 milliard de dollars en taxes fédérales et provinciales.

L’ACFC représente une cinquantaine de sociétés ferroviaires qui transportent des marchandises ou des voyageurs entre et à l’intérieur des villes, soit la quasi-totalité des entreprises de chemin de fer au Canada. Notre organisme est la voix par excellence des entreprises ferroviaires canadiennes.

Au cours des 15 dernières années, les sociétés ferroviaires canadiennes ont grandement accru leur productivité, ce qui a constitué un élément clé pour améliorer la compétitivité économique du Canada vu sa dépendance envers le commerce. Dans les prochaines années, l’industrie doit miser davantage sur les nouvelles technologies compte tenu des limites de ce que peut réaliser à lui seul le capital physique et humain. Les trois recommandations présentées dans le mémoire, si elles sont mises en œuvre, faciliteront les efforts déployés par le gouvernement fédéral pour améliorer encore plus la compétitivité mondiale du Canada.

RECOMMANDATIONS PRINCIPALES

Recours au système fiscal pour promouvoir l’utilisation des nouvelles technologies

Recommandation : Le gouvernement fédéral devrait recourir au système fiscal pour promouvoir l’utilisation des nouvelles technologies en apportant notamment des changements au crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental, comme de permettre le refinancement, et en accordant des crédits d’impôt pour le déploiement de nouvelles technologies.

Les sociétés ferroviaires canadiennes ont reconnu qu’elles devaient tabler sur le développement et le déploiement de technologies pour accroître la productivité et renforcer les capacités; améliorer la sécurité, la fiabilité du service et le service à la clientèle; et réduire l’empreinte écologique. Même si certaines technologies ont été testées, mises en œuvre et éprouvées, d’autres sont encore au stade précommercial et exigent des améliorations et des essais additionnels. L’industrie ferroviaire commence seulement à percevoir les possibilités offertes par les nouvelles technologies étant donné leur nature exponentielle et en constante évolution ainsi que leur application pratiquement illimitée. Le principal défi concerne le coût lié au développement, à l'essai et à l’adoption de ces technologies en cours d’utilisation. Le gouvernement a un rôle important à jouer pour ce qui est de soutenir les activités de recherche et de développement entourant la mise au point des technologies et de faciliter les méthodes de recherche, de commercialisation et de déploiement des technologies.

Les nouvelles technologies exigeront un investissement important dans les communications afin de mettre en réseau l’ensemble des biens ferroviaires (excluant le matériel roulant) et les systèmes administratifs de TI pour emmagasiner et analyser un grand nombre de données. La capacité des sociétés ferroviaires de traiter un volume de marchandises beaucoup plus élevé à l’avenir nécessitera un investissement important dans les infrastructures au sein des corridors clés. Pour apporter ces changements, les besoins en capital seront considérables. Compte tenu des avantages économiques plus étendus qui seront obtenus grâce à ces investissements, le gouvernement fédéral devrait offrir d’autres mesures incitatives, comme des crédits d’impôt et des déductions pour amortissement afin de promouvoir les dépenses en capital dans les nouvelles technologies.

À l’heure actuelle, les sociétés ferroviaires ont une expérience directe du programme de crédit d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental. En règle générale, l’expérience des sociétés ferroviaires a été positive quant à l’administration du programme. Le remboursement des crédits d’impôt pour toutes les sociétés, pas seulement les petites entreprises, serait une des mesures clés qui améliorerait le programme fédéral. À titre d’exemple, le gouvernement de l’Alberta offre aux grandes sociétés un crédit d’impôt remboursable pour la recherche scientifique et le développement expérimental. Plutôt que de devoir attendre plusieurs années pour obtenir des fonds, cette mesure permettrait de les obtenir plus rapidement. Le programme de la recherche scientifique et du développement expérimental pourrait aussi être élargi afin de permettre des crédits d’impôt pour le déploiement des nouvelles technologies, en sus des activités de recherche et de développement.

Majoration du taux de déduction pour amortissement dans le cas du matériel roulant ferroviaire

Recommandation : Il faudrait relever à au moins 30 % le taux de déduction pour amortissement s’appliquant à l’ensemble du matériel roulant ferroviaire. Ce taux devrait être accordé aux entreprises ferroviaires, aux entreprises de location ferroviaire et aux propriétaires de wagons privés.

Le secteur ferroviaire est avide de capitaux. Les entreprises ferroviaires canadiennes doivent investir chaque année environ 2,5 milliards de dollars pour entretenir leurs infrastructures et faire en sorte qu’elles permettent d’acheminer les marchandises en toute sécurité et de façon économique. 

Dans son budget de 2008, le gouvernement avait annoncé une hausse de 15 à 30 % du taux de déduction pour amortissement (DPA) s’appliquant aux locomotives, annonce qui a réjoui les membres de l’industrie ferroviaire canadienne. D’ailleurs, cette mesure rapporte déjà des dividendes aux sociétés ferroviaires, aux fabricants de locomotives, aux fournisseurs dans ce secteur ainsi qu’au réseau de transport canadien en général.

Nous appuyons pleinement les conclusions du rapport de 2007 du Comité permanent des finances qui conseillait le gouvernement d’appliquer pleinement les mesures fiscales figurant dans le rapport unanime de 2007 du Comité de l’industrie intitulé Le secteur manufacturier : Des défis qui nous forcent à agir. Ce rapport recommandait entre autres comme changement fiscal spécifique que le « gouvernement du Canada porte à 30 % le taux de déduction pour amortissement pour le matériel roulant, les locomotives et le matériel de transport intermodal, en utilisant la méthode de l’amortissement dégressif ».  

Le taux actuel de déduction pour amortissement applicable au matériel roulant, à part les locomotives, s’établit à 15 % et ne tient pas compte de sa durée de vie utile au plan économique.  Les entreprises ferroviaires doivent constamment améliorer leurs wagons pour satisfaire les exigences des clients. Mais avec le taux actuel, il faut 20 ans à une entreprise ferroviaire pour amortir entièrement le coût des wagons, dont plusieurs auront subi une réfection majeure, ou auront même été carrément remplacés, bien avant ce délai.

Aux États-Unis, le taux d’amortissement dans le cas de l’ensemble du matériel roulant ferroviaire est d’environ 30 %, les règles de calcul combinant à la fois la formule de l’amortissement dégressif et la méthode basée sur la durée. Les transporteurs ferroviaires de ce pays peuvent ainsi amortir pleinement le coût de leur matériel roulant en l’espace de 8 ans comparativement à 20 ans pour leurs concurrents canadiens, qui se trouvent donc désavantagés par rapport à leurs vis-à-vis américains. Le code de fiscalité des États-Unis facilite un renouvellement accéléré des actifs, ce qui permet de renouveler plus vite la flotte de wagons pour satisfaire les besoins croissants des usagers.

Zones franches

Recommandation : Le gouvernement fédéral devrait établir une nouvelle politique, étayée par de nouveaux programmes, afin d’assurer des zones franches concurrentielles au Canada.

Au début de 2007, le nombre de zones franches dans le monde était estimé à au moins 2 700, et quelque 63 millions de personnes y avaient trouvé un emploi[1]. Des traits généraux se dégagent : les obstacles commerciaux, tels les tarifs et les contingents, sont éliminés dans les zones franches, et les procédures bureaucratiques sont réduites pour attirer de nouvelles sociétés et stimuler les investissements étrangers. Les sociétés présentes dans une zone franche peuvent également se voir offrir des allégements ou des congés fiscaux par le pays d’accueil, comme mesure incitative supplémentaire. Les zones franches sont fréquentes aux points d’entrée, ou près de ceux-ci, pour faciliter les importations et les exportations. Les avantages économiques les plus susceptibles d’être associés aux zones franches sont les suivants : recettes en devises étrangères; création d’emplois et production de recettes; attraction de l’investissement étranger direct; et transfert technologique et diffusion des connaissances[2]

L’ACFC reconnaît que le gouvernement fédéral a pris des mesures dans le cadre de son Plan budgétaire de 2009 pour offrir des allègements tarifaires applicables à un large éventail de matériel et d'outillage, et qu'il a pris d'autres mesures dans son Plan budgétaire de 2010 pour éliminer tous les tarifs restants qui s’appliquaient aux intrants manufacturiers, aux machines et à l’outillage. En outre, le gouvernement du Canada offre actuellement des programmes comme le Programme de report des droits, le Programme de centre de distribution des exportations et le Programme des exportateurs de services de traitement, qui visent à offrir des mesures incitatives semblables à celles fournies dans les zones franches. Néanmoins, les limites associées aux programmes, comparativement aux véritables zones franches, ont donné lieu à une participation des entreprises plus faible que prévue. De plus, comme les programmes sont exploités par différents organismes gouvernementaux (Agence des services frontaliers du Canada et Agence du revenu du Canada), cette situation accroît la complexité de la réglementation pour les entreprises qui souhaitent participer à plus d’un programme.

Une nouvelle approche est donc nécessaire étant donné que les programmes en place ne répondent pas aux besoins des sociétés se livrant au commerce international, comme en témoigne le faible taux de participation. La mise en place de zones franches concurrentielles améliorera encore davantage la position économique du Canada, attirera d'autres capitaux étrangers et créera de l'emploi.

RECOMMANDATIONS SECONDAIRES

Élimination de la taxe d’accise sur le carburant pour locomotives

Recommandation : Il faudrait éliminer la taxe d’accise fédérale s’appliquant au carburant diesel de locomotive pour diminuer les coûts de transport des expéditeurs canadiens, aider à atteindre les objectifs environnementaux du Canada et harmoniser ses normes avec celles des États-Unis, où on a  aboli le 1er janvier 2007 la taxe d’accise fédérale sur le carburant pour locomotives.

Le gouvernement fédéral impose une taxe d’accise de 0,04 $ le litre sur le carburant diesel pour locomotives. Actuellement, les sociétés ferroviaires versent environ 75 millions de dollars par année en taxe d’accise fédérale pour le carburant diesel, coût qui est essentiellement retransmis aux expéditeurs sous forme d’une hausse des taux ou tarifs de transport de marchandises. À l’heure actuelle, les taxes sur le carburant représentent un fardeau fiscal de 2,4 % pour ce qui est des revenus des sociétés ferroviaires canadiennes, comparativement à 0,91 % pour leurs vis-à-vis américains[3].

Les sociétés de chemin de fer possèdent et entretiennent leurs réseaux ferroviaires, et investissent chaque année quelque 2,5 milliards de dollars dans les installations et les infrastructures.  Contrairement aux entreprises de camionnage, elles ne peuvent pas utiliser des infrastructures financées par l’État. L’abolition de la taxe d’accise s’appliquant au carburant pour locomotives améliorerait donc la compétitivité des transporteurs ferroviaires et des expéditeurs canadiens.

Les sociétés ferroviaires canadiennes rivalisent directement avec leurs compétiteurs sur le marché des transports nord-américains. L’accès direct aux vastes marchés de consommation nord-américains, les relations commerciales à l’échelle planétaire et l’importance croissante des aspects logistiques de transport offrent des possibilités appréciables pour le Canada. Par exemple, les conteneurs en provenance d’Asie destinés aux marchés nord-américains peuvent être acheminés vers leur destination finale à la fois par des transporteurs américains et canadiens. Pour pouvoir tirer parti de ces possibilités, les sociétés ferroviaires canadiennes doivent bénéficier d’un cadre de réglementation et d’une fiscalité comparables à celles avec lesquelles doivent composer leurs concurrents américains.

Le 1er janvier 2007, le gouvernement des États-Unis a aboli sa taxe d’accise sur le carburant pour locomotives, d’où un avantage concurrentiel évident pour les transporteurs ferroviaires américains sur leurs rivaux canadiens. Les transporteurs ferroviaires sont extrêmement sensibles aux fluctuations de prix, ce qui signifie qu’un avantage de prix même minime dans un pays comparativement à un autre incite les clients à délaisser les entreprises d’un pays où les prix sont plus élevés. Ce coût additionnel assumé par les entreprises canadiennes rend le transport ferroviaire moins attrayant pour les expéditeurs et place le Canada dans une situation désavantageuse au plan compétitif en ce qui a trait au transport de marchandises en Amérique du Nord. 

Renforcement et facilitation du financement dans le cas des voies et corridors commerciaux indiqués

Recommandation : Pour que le réseau ferroviaire canadien demeure apte à faciliter le commerce international en Amérique du Nord, le gouvernement fédéral devrait renforcer et accélérer le financement des travaux d’infrastructures ferroviaires et intermodales dans l’ensemble des voies et corridors commerciaux identifiés.

Nous recommandons au gouvernement fédéral d’allouer, durant la période de 2007-2008 à 2013-2014, un montant de 1 milliard de dollars pour l’Initiative de la porte et du corridor de l’Asie-Pacifique (IPCAP), et un montant de 2,1 milliards de dollars pour financer divers projets et l’aménagement de postes frontaliers dans la porte continentale et le corridor de commerce Ontario-Québec ainsi que la porte de l’Atlantique. Cette injection de fonds, à condition qu’ils soient répartis de manière stratégique et dépensés rapidement, contribueront à accroître la compétitivité de nos réseaux de transport ferroviaire et intermodal. 

Toutefois, le versement des fonds servant à l’amélioration des infrastructures intermodales s’est faite jusqu’ici trop lentement. Bien qu’il se soit déjà écoulé quatre ans depuis l’attribution dans le budget fédéral de crédits pour la porte continentale et le corridor de commerce Ontario-Québec et la porte de l’Atlantique, le financement alloué aux infrastructures ferroviaires a été minime. 

Les sociétés ferroviaires canadiennes affrontent directement la concurrence des compagnies américaines pour les activités de transport en Amérique du Nord. Actuellement, plus de 40 % des marchandises acheminées à partir des ports de Montréal et de Halifax sont destinées aux États-Unis. En outre, la quasi-totalité des marchandises voyageant selon la formule intermodale qui arrivent au port de Prince Rupert sont acheminées par train aux États-Unis. Si on veut que nos ports puissent encore attirer les clients et accroître leur part du transport de marchandises en Amérique du Nord, les gouvernements doivent injecter dans une perspective stratégique l’argent nécessaire pour faciliter le transport des marchandises sur les marchés nord-américains. Les entreprises ferroviaires sont bien placées pour transporter des marchandises sur de longues distances sans trop nuire à l’environnement, puisque le rendement en carburant des trains est de trois à cinq fois supérieur à celui des camions. 

Les compagnies ferroviaires ont contribué de façon importante à l’aménagement de la porte et du corridor de commerce Asie-Pacifique, investissant de concert avec les gouvernements plus de 285 millions de dollars en vue de séparer les routes/chemins de fer et d’améliorer les infrastructures ferroviaires au port de Vancouver métropolitain, à Roberts Banks et au Port de Prince Rupert. Mais il faudra investir encore plus pour tirer le plein potentiel de nos réseaux portuaires et ferroviaires. Des investissements additionnels permettront aux sociétés ferroviaires canadiennes d’accroître leur productivité, ce qui profitera aux installations portuaires et aux expéditeurs qui recourent au train pour livrer leurs produits sur les marchés.


[1]      www.ilo.org, 15 septembre 2008

[2]      Deloitte, Étude sur les zones franches, octobre 2008, pages 3 et 4.

[3]      PricewaterhouseCoopers, « The Tax Burden of Canadian Railways », mars 2011.